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Pourquoi on regarde et écoute tout en x2 ?

Temps de lecture : 2 minutes

02/07/2025

Écouter des vocaux WhatsApp en accéléré et se plaindre que l’autre n’articule pas, regarder les scènes de dialogue d’une série en x1,5, pour ne garder que les scènes les plus virales. Il y a encore cinq ans, cette pratique aurait paru étrange, presque malpolie. En 2025, elle est devenue une norme, un geste digital auquel on s’est adonné sans même y penser.

avatar de Ophélie Simon

Content Manager. Probablement du reggaeton dans les oreilles et les sourcils froncés devant TikTok.

Ophélie Simon

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Time is Money

La tendance ne date pourtant pas d’hier et remonte aux plateformes des universités américaines. Dès 2010, Harvard et des universités du MIT proposaient déjà à leurs étudiants de suivre leurs cours en ligne en vitesse accélérée. Il ne s’agissait pas encore de gagner du temps sur les vidéos de haul ou de true crime, mais bien d’optimiser un apprentissage devenu trop long à digérer. Car oui, si la culture américaine nous a légué un principe, c’est bien celui-ci : “time is money”. Et ce qui valait pour les cours magistraux vaut désormais pour les vocaux, les séries, les podcasts ou les TikToks.

Qui a appuyé sur le x2 en premier ?

En 2013, YouTube implémente l’option de vitesse. Spotify suit bien plus tardivement en 2020, puis viennent Netflix, WhatsApp, Snapchat, TikTok, et plus récemment Instagram. La fonction lecture accélérée est sur toutes les plateformes, jusqu’à devenir une extension naturelle de notre manière de consommer les contenus, les médias, voire le monde.

C’est d’ailleurs sur TikTok que l’essor est le plus visible : un tiers des utilisateurs accélèrent désormais les vidéos. Même constat du côté de Netflix quand en 2023, 30 % de ses consommateurs préféraient visionner leurs séries en accéléré, quitte à compresser les épisodes pour maximiser leur rendement.

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Ça va trop vite, alors on va plus vite

Derrière ce réflexe, le moteur commun de la peur de passer à côté. FOMO, binge-watching, doom-scrolling… Le lexique de l’hyperconsommation numérique traduit l’angoisse permanente de ne pas suivre la cadence. Il faut être à jour sur toutes les émissions, comprendre les memes et ne pas se faire spoiler sur X, avoir un avis sur la dernière série Netflix, le tout en rattrapant les actus du jour (”en moins de dix minutes” pour Hugo Décrypte). On ne regarde plus mais on optimise et on ingère. Cette logique touche en priorité les jeunes générations, élevées au scroll vertical. La vitesse est une posture, un réflexe et, certains le revendiquent, un outil de socialisation. Et de fait, il y a quelque chose de profondément social dans cette accélération qui permet de tenir la cadence du monde, de ne pas rester à la traîne dans une société saturée de contenus.

Mais à force d’accélérer, que reste-t-il de l’expérience ? Un podcast écouté en double vitesse est-il encore un moment de détente ? Une série visionnée en x2 a-t-elle encore une quelconque valeur narrative ? L’accélération produit une illusion d’efficacité, mais elle écrase aussi le rythme, la valeur de divertissement et la nuance. Certains utilisateurs en arrivent d’ailleurs à ne plus supporter les chansons “normales”, trop lentes, trop molles, si on les compare aux “sped up version” bricolées par les internautes sur TikTok.

“J’y vois le symbole de notre relation au temps et à la consommation en ligne. Sur TikTok, on n’a pas le droit à la lenteur ou au silence”, Julien Marchal, compositeur français, pour Le Monde, octobre 2022.

La lecture accélérée est devenue un outil de navigation dans un monde qui va trop vite. Mais peut-être faut-il se demander ce que l’on gagne et ce que l’on perd. Regarder en x2, c’est consommer plus pour suivre la cadence, mais c’est aussi ressentir moins, et se soumettre à une spirale infernale.